Vincent Lindon


Lorsque Vincent Lindon m'a reconnue.

C'était il y a une quinzaine d'années, dans ma vie de libraire. Un des privilèges du métier c'est que vous êtes parfois invités par les grosses maisons d'édition à la présentation de leur collection. Ils vous paient les billets de train et vous accueillent comme des rois (c'est vous le bout de la chaîne qui les engraisse). Dans notre petite librairie de province et de Provence, les invitations étaient rares, mais nous y allions chacun notre tour.
C'était une journée de vacances comptée comme du travail. Une bonne journée donc.
Je crois que c'était le Seuil mais je n'en suis pas sûre, en tout cas la présentation se faisait à l'hôtel Lutetia à Paris.
J'y étais allée avec mon collègue Frédéric, le Roi de la Pile. Nous avions passé la matinée à écouter différentes personnes nous présenter des romans tous plus fantastiques les uns que les autres. Nous avions déjeuné dans une salle du Lutetia autour de tables rondes nappées de blanc, des plats dont je ne connaissais pas le nom. Je revenais de la pause cigarette digestive et retournais dans la salle des présentations.
Cette pièce se trouvait juste derrière les ascenseurs. Au moment où je passais devant l'un d'eux, la porte s'est ouverte et un homme en est sorti. J'ai une nature à regarder les hommes. Celui là se trouvait juste en face de moi, à quelques centimètres, nous nous sommes donc regardés dans les yeux. Je le connaissais, son visage m'était familier, il me semblait même être quelqu'un de proche. Il a du lire cette certitude dans mon regard parce qu'il m'a, avant de continuer son chemin, saluée comme si j'étais moi-même l'une de ses connaissances.
Au moment où je lui ai rendu son bonjour j'ai réalisé que c'était Vincent Lindon, et que notre intimité n'était que du cinéma.

---
Hélène Dassavray