Marc Lavoine

Les yeux revol-herbe de Marc à la fontaine des Jacobins.

J’avais vingt ans. Heureuse de participer au lancement de l’une des premières télé-locales indépendantes de France. TLM, un hangar improbable boulevard Yves Farge à Lyon. 

Nous animions un talk show tous les jours avec celui qui est devenu mon ami cher, Yves Calvi. Notre carrière avait commencé à Paris, nous aimions ce statut de lyonnais d’adoption. Nos invités avaient presque notre âge, mais plus de créativité, de folie, de désir.

Cette après-midi-là, Marc Lavoine entre dans le studio avec ses yeux revol-vert-bleus. Il connaît la ville pour y avoir vécu une expérience musicale bien plus rageuse que de "faire l’amour sur des malentendus".  Your Vice, un éphémère groupe métal où Marc Lavoine avait la rage et le charisme de Mick Jagger. Si, si .

Mais sur le plateau de TLM, Il n’a pas envie de répondre aux questions. "Non mais tu vois, là dessus je n’ai rien à dire" . La promo l’ennuie "je suis juste chanteur". Les télés de province sont des pensums aussi douloureux que les unes de Voici "je suis musicien, interprète, pas homme politique, je n’ai rien à dire de plus de que ce qui est dans mes chansons".
 
L’émission est mortelle. Mal à l’aise avec cette image de beau-gosse, indisposé par  le déchaînement de déclarations d’amour. Écorché, la colère n’est pas loin.

Fin de l’émission. On "soulage". Notre jargon pour demander que les lumières du plateau s’éteignent. La température baisse.

Les filles se pressent à la sortie du studio. Il est à cran. Je l’emmène place des Jacobins, qui fut autrefois la place Confort. Un peintre, un dessinateur, un sculpteur et un architecte veillent désormais sur lui. Le bruit de l’eau, qui étouffe celui des voitures, trois feuilles de papier fin, quelques brins d’herbe à l’odeur poivrée. Des confidences sans importance, le voilà enfin apaisé.

Marc Lavoine c’est le type dont on rêvait toutes, mais il est parti à la gare de la Part-Dieu en taxi.

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Edith Simonnet