Chiara Mastroianni

Chiara Mastroianni et moi n'avons pas discuté.

Il y a à Paris un musée de la vie romantique, dans l'hôtel Scheffer-Renan, au numéro seize de la rue Chaptal dans le neuvième arrondissement. J'aime visiter cette demeure qui semble être encore habitée par l'âme de George Sand et de Frédéric Chopin. La fraîcheur du jardin tamise les après-midi d'été et son silence s'oppose à l'agitation urbaine. C'est un lieu où le temps n'est plus. Quand le musée est fermé, je me réfugie à la Grande Mosquée près du Jardin-des-Plantes, lieu tout aussi magique mais troublé par de nombreux touristes. Chiara Mastroianni fuyait certainement la chaleur et le bruit lorsque nous nous sommes rencontrées. J'ai toujours eu des affinités avec elle, nous sommes toutes deux italiennes, j'aime beaucoup son travail, ses parents, mais par où fallait-il commencer ? Lui parler de son père ? Lui parler de sa mère ? Lui parler de son mari qui m'avait raccompagnée en 1994 ? Lui parler de moi ? D'elle ? Lui dire que sa fille et la mienne ont le même prénom à une consonne près ? Lui parler directement en italien ? Ou en français ? Nous déambulions dans cette cour et ce jardin, prenions place sur un banc ou un autre, regardions la maison, son regard croisant le mien, mon sourire en réponse et puis rien, pas un mot, pas un bruit. Lui parler de Marcello Mastroianni ? Lui parler de ce film que j'ai tant aimé Ginger et Fred, de cet autre, son dernier, que j'ai détesté Voyage au début du monde ? Lui demander quel type de femme ou de mère est Catherine Deneuve ? Et le silence. 

Chiara Mastroianni c'est la femme avec qui je n'ai pas parlé.


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Samantha Barendson